La gifle
Récemment, un enseignant a donné une gifle à un élève qui l’a traité de connard. Les sanctions administratives qui lui ont été infligées sont trop lourdes, la voie judiciaire (plainte et mise en examen) est excessive, le rectorat l’a peu soutenu. Suite à 'l’affaire de la gifle', beaucoup de gens se sont indignés et ont exprimé leur désaccord avec cette dérive de l’élève roi, cette différence de traitement, ce manque de respect envers les profs. Dans les salles des profs, dans les médias, sur la toile, et même dans la bouche des politiques, chacun y est allé de son chapitre. Je souscris totalement à cette indignation, que je trouve d’ailleurs salutaire et bienvenue, et ce pas par corporatisme, - même si je ne peux nier qu’étant enseignant, cette affaire me touche plus et je pense pouvoir légitimement avoir sur le sujet une réflexion fondée -, mais pour les mêmes raisons que tout un chacun.
Mais dans ce déluge d’indignations, attention à ne pas se tromper de combat. Il n’est pas question pour moi de justifier une gifle ou d’encenser le bon vieux temps des écoliers menés à la baguette. Je suis toujours méfiant face au ‘mythe’ de l’âge d’or. Ce sont bien les suites de l'affaire de la gifle qui me -nous- scandalisent.
Alors, en guise de réponse à un commentaire lu récemment sur un blog, voici ma réflexion :
Certes l’école actuelle a un complexe avec l’autorité (quelle qu’elle soit d’ailleurs), certes il y a des … valeurs qui se perdent, certes mes parents auraient aussi renchéri sur une sanction – même gifle – reçue à l’école, et je leur sais gré de m’avoir aussi transmis des valeurs de respect, certes la victimisation et les circonstances atténuantes ou le nivellement (tout se vaut, le prof comme l'élève...) font des ravages, certes mais…
1) Jamais je n’adopterai le précepte, en tant qu’homme et citoyen, mais plus encore en tant que professionnel de l’éducation, que si on manque de respect à quelqu’un, la réponse doit être une gifle. Trop de personnes, et notamment parmi les jeunes de ‘banlieue’ ont déjà ce réflexe primaire, de répondre à une agression verbale, légitime ou imaginaire, de recourir, à la violence physique. Notre rôle est tout de même de leur apprendre à dépasser cette pulsion, à trouver les mots pour exprimer un désaccord ou une indignation, à refuser l’escalade. Et même si le prof n’est pas l’élève, notre comportement doit avoir valeur d’exemple.
2) La fin des châtiments corporels à l’école est tout de même un progrès dans l’humanité. Simplement, je pense qu’on a rien trouvé pour les remplacer. Les autres sanctions (travail supplémentaire, zéros, exclusion) sont parfois non seulement improductives mais surtout n’inspirent pas la crainte. La seule chose de bien dans la ‘bonne vieille méthode de la gifle’, c’est quand on ne l’utilisait pas, mais que son éventualité suffisait à inspirer le respect ou au moins à contraindre (à travailler, à respecter…). On n’a rien inventé depuis qui permette cette crainte et cette contrainte.
J’ajouterai que cela - quelque chose d'efficace pour remplacer le châtiment corporel, qui inspire la crainte et permet la contrainte - nous fait méchamment défaut, car, malheureusement, humains que nous sommes, la raison, la connaissance et la compréhension de la loi, et de la nécessité de l’effort, ne suffisent généralement pas à ce qu’on la respecte. Et ceci est vrai pour tous, au-delà des écoliers. Si la justice ne condamnait pas les coupables qui transgressent les lois, j’ai bien peur que notre morale seule (même bien inculquée) ne pèse pas bien lourd face aux tentations de chacun d’en faire de même. Voilà pourquoi je crois en la sanction, ce qui ne fait pas de moi un adepte du tout répressif, et encore moins du châtiment corporel, à l’école ou dans la société.
/https%3A%2F%2Fassets.over-blog.com%2Ft%2Fcedistic%2Fcamera.png)